Rencontre avec Emilien Rouable, lauréat Prix du Public aux TheFork Awards 2023
Depuis 2019, les TheFork Awards révèlent et soutiennent une nouvelle génération de chefs partout en France. La participation croissante et l’investissement toujours plus important des chefs étoilés à travers la découverte et le parrainage de talents émergents a permis, cette année encore, de célébrer et d’encourager les grands de demain. Mais ce prix n’existerait pas sans le grand public et la communauté TheFork qui s’expriment à travers leur vote final, du jamais vu dans un prix gastronomique !
Pour sa quatrième édition, les TheFork Awards ont mis le cap sur les Hauts-de-France, labellisés Région Européenne de la Gastronomie. Le rendez-vous était donné à l’Opéra de Lille où s’est tenue la cérémonie de remise des prix lundi 13 novembre dernier. Parrainé par Stéphane Pitré et Jean-François Girardin, le chef Emilien Rouable a reçu le Prix du Public pour son restaurant L’Inattendu à Villecresnes.
Vous attendiez-vous à gagner un prix ?
Pas du tout ! J’ai été très étonné et très ému car on est une petite table dans le 94 et que la banlieue, contrairement à la campagne, à Paris ou à Top Chef, c’est pas tendance. On fait 24 couverts, on a beaucoup d’habitués, on est passés et ça, c’est la classe.
Est-ce que le fait d'être nommé, puis l’appel au vote et enfin, la remise de cet Award ont eu un impact sur les réservations dans votre restaurant ?
On affiche complet tous les soirs donc je ne me rends pas vraiment compte mais beaucoup de gens sont venus nous féliciter. Quelques clients m’ont dit qu’ils étaient venus après avoir reçu des communications de la part de TheFork. En tout cas, ça nous fait une très belle publicité et une très belle mise en avant. Et ce qui est encore mieux c’est que ça fait très très très plaisir à nos clients qui étaient fiers de venir fêter ça avec nous.
Quels sont vos liens avec vos parrains Stéphane Pitré et Jean-François Girardin ? On leur transmet un petit mot de votre part ?
Stéphane Pitré m’a donné le conseil de m’écouter, il a toujours une petite pensée pour moi qui me fait très chaud au cœur. Jean-François Girardin est un grand monsieur, il est le président des Meilleurs Ouvriers de France et trouve toujours du temps pour s’investir dans des associations et auprès des enfants malades. C’est une vraie fierté de l’avoir comme parrain.
Un grand merci pour votre soutien et vos conseils
Et vos clients, s’ils étaient en face de vous en ce moment, vous leur diriez quoi ?
Je les remercie. Il y a marqué “Émilien Rouable” sur le prix mais il devrait y avoir écrit : Émilien, Virginie, Julie, Thomas, toute l’équipe qui travaille avec nous et aussi tous les clients car ce sont eux qui ont voté et cru en nous. Je ne suis pas très à l’aise avec le fait de demander aux clients de voter pour nous. C’est donc une démarche qui vient de leur part, ce qui est encore plus touchant.
Quelle est votre histoire et celle de votre resto ? On veut tout savoir !
Je suis né à Villecresnes mais je n’y ai jamais vécu. Je suis un petit produit de banlieue sud-est parisienne 100% assumé ! J’ai les codes du coin, le parlé du coin et la compréhension des gens du coin. Au départ, je suis client de restaurant et j’ai eu envie de créer le restaurant que j’allais chercher à Paris. Plus jeune, j’étais un cancre à l’école, ça devait d’ailleurs être le nom du restaurant ! Pendant ma formation, j’ai rencontré le professeur Jean Emmanuel qui était super et pour qui j’ai énormément de respect. Je lui dois beaucoup. J’ai rencontré des Chefs extraordinaires et même si ça a parfois été dur, je les remercie car ce que je ne comprenais pas à l’époque, je le comprends aujourd’hui. J’ai appris l’essentiel de ce que je sais lorsque je travaillais à l’Orangerie, la table des présidents de BNP Paribas. J’ai eu la chance de cuisiner des produits exceptionnels pendant six ans auprès de Nicolas Weingaertner, un Chef de l’ombre extraordinaire qui est resté un très bon ami.
Et puis en ce qui concerne l’Inattendu, on a cherché un endroit où l’on puisse recevoir comme chez nous. Le chef David Rathgeber m’a dit “on te connait mais ta vraie cuisine à toi on ne la connaît pas, elle est inattendue !” et hop, on avait trouvé le nom du restaurant. Mon nom est affiché à l’entrée du restaurant, ce n’est pas par égo-centrisme, c’est la calligraphie de l’écriture de ma maman qui m’a élevé seule et qui est partie il y a dix ans. J’avais envie d’avoir une part d’elle avec nous ici.
Comment définissez-vous votre cuisine, qu’est-ce qui claque dans vos assiettes ?
Elle est instinctive et va à l’essentiel. On retrouve les goûts et la gourmandise d’une cuisine de maman (du braisage, du jus, du beurre) mais de façon moderne, légère et sexy. Par exemple, je fais une volaille farcie, avec un joli glaçage à la sauce poulette crémée accompagnée d’un coulis d’herbes et de carottes braisées confites dans le jus de volaille.
Chez TheFork, on est curieux. On aimerait connaître une anecdote que vous n’ayez jamais partagée à personne… Vous avez ça en stock ?
Le jour de l’ouverture, le four ne fonctionnait pas, impossible de le réparer. À midi, un technicien est arrivé pour me le changer et au moment où on a appuyé sur le bouton, les premiers clients entraient dans le restaurant. Or, j’avais passé la matinée à imaginer que je devrais assurer ce premier service sans four. Lorsque ma femme (qui n’avait encore jamais fait de service, elle est banquière à la base) m’a demandé ce qu’elle devait écrire à la carte, j’ai répondu “carte blanche !”. C’est comme ça qu’on a créé ce concept qui n’était pas du tout prévu. Ah et ce n’est pas tout, le TPE ne fonctionnait pas donc les premiers clients ont réglé l’addition par virement. Heureusement tous ont joué le jeu mais on n’était pas vraiment rassurés. C’était un premier jour chaotique mais on a bien rigolé.
Quel est votre meilleur et votre pire souvenir gustatif ?
Les spaghettis bolognaises de ma maman qui passait une journée à cuisiner sa sauce. Je donnerai tout au monde pour qu’elle vienne m’en refaire. Mon pire souvenir ? Les endives au jambon, je déteste l’amertume.
Si vous aviez un conseil à donner à un jeune chef qui aimerait ouvrir son premier restaurant ?
Il faut le faire pour faire plaisir aux gens. Il ne faut pas calculer en tant que clients mais en tant que convives, imaginer qu’on cuisine pour des amis ou des membres de sa famille. Il faut ouvrir un restaurant avec sincérité, ne pas être arrogant.
À propos d'Emilien Rouable :
Formé au Maxim's, au Fouquet's et à l'Orangerie, Emilien Rouable ouvre sa première table dans sa ville natale de Villecresnes en mars 2023. Il compose ses recettes à partir de produits locaux notamment grâce à la présence d'une ferme biologique dans les environs, devenue rapidement partenaire privilégiée. Au menu, des assiettes graphiques composées au jour le jour selon les arrivages de ses fournisseurs. Bon à savoir : le chef propose des cours de cuisine tous les samedis matin au sein du restaurant.
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