Alexandre Bru
Interviews

Rencontre avec Alexandre Bru, chef du restaurant Sens à Bordeaux

30/01/2023
7 minutes

Pour la troisième édition, les TheFork Awards révèlent une nouvelle génération de cuisiniers parrainés par les plus grands chefs étoilés de France. Premier prix décerné par le public, c’est aussi l’occasion pour la communauté TheFork et tous les gourmets de s’exprimer et de soutenir leur restaurant préféré ouvert depuis peu. Cette année, le public a remis son Prix Spécial Bordeaux au restaurant Sens d’Alexandre Bru situé à Bordeaux. TheFork l’a rencontré pour qu’il nous raconte son histoire et son ressenti suite à l’obtention de ce Prix du Public Spécial Bordeaux.
 

Que représente ce prix pour vous et vos équipes ?  

Ce prix a eu un gros impact, on a trois semaines d’attente pour obtenir une réservation ! C’est une grande fierté et une belle récompense par rapport à tout le travail qu’on met en œuvre. 

Quel est votre lien avec votre parrain Nicolas Masse ? Avez-vous un mot pour lui ?  

Je le remercie infiniment d’avoir joué le jeu et de m’avoir parrainé. C’est une fierté pour moi. J’ai travaillé seulement un an et demi à ses côtés aux Sources de Caudalie car j’avais mon projet de restaurant mais j’en retiens de très bons moments.

 

Racontez-nous votre histoire et celle de votre restaurant, quel univers avez-vous souhaité créer ? 

L’histoire ne s’est pas tout à fait passée comme elle aurait dû. On a ouvert la veille du deuxième confinement, on a fait un service puis on a été reconfinés huit mois. Ça a été un moment vraiment difficile, on a tenu grâce à l’aide des gens et cette récompense est une belle revanche contre tout ce qui nous est arrivé. Ça a été un parcours un peu chaotique, le restaurant a réussi à être connu grâce au bouche à oreille et on marche vraiment bien seulement depuis le mois de juillet. Ma femme Loren Bru est pâtissière et moi je suis chef de cuisine. On a voulu créer un restaurant gastronomique avec une vingtaine de couverts et deux menus dégustation le soir en quatre à six services. Trois midis par semaine, on propose une cuisine du marché bistronomique plus accessible. On se situe aux portes du centre de Bordeaux et on privilégie les circuits courts dans cuisine éco responsable et zéro déchets.

 

Pourquoi avoir choisi d’ouvrir votre restaurant à Bordeaux, quel est votre lien avec cette ville ? 

Je suis né à Bordeaux, Loren est née à Pessac et c’est naturellement qu’on a voulu s’installer ici. C’est notre ville de cœur, on ne se voyait pas ailleurs… ça s'est fait naturellement. 

 

Comment définiriez-vous votre cuisine, avez-vous un plat signature ? 

Ma cuisine est marquée par le végétal, le fumage et accorde une grande importance aux jus et aux sauces. Le fumage est un marqueur que l’on retrouve dans chacun de mes menus et comme je privilégie le local, j’ai tendance à les réaliser avec des aiguilles de pins ou des sarments de vignes. En ce moment, je propose un velouté de chataignes fumées avec une écume aux parmesan accompagné d’une mouillette au jaune d’oeuf à la truffe et des noisettes du Lot-et-Garonne. On change notre menu tous les mois pour profiter un maximum des saisons et des produits. 

 

Un mot pour vos clients ? 

Ça a été une énorme surprise, on ne s’attendait pas du tout à ce que notre restaurant soit primé. Je vous remercie infiniment d’avoir joué le jeu et de nous avoir soutenus à travers votre vote.

Certains parmi vous, nous soutiennent depuis le début, ça nous fait beaucoup de bien et ça nous donne la force de continuer à faire ce qu’on fait.

 

Quelle est la place de l’éco-responsabilité au sein de votre restaurant ?

Elle a une place majeure. On travaille avec une entreprise locale pour le compost et notre cuisine est à 99% zéro déchets. En ce moment, on travaille le chou dans tous ses états, on utilise toutes les variétés et on ne jette absolument rien à la poubelle. J’aime me creuser la tête pour tourner un produit dans tous les sens et proposer des textures et des cuissons différentes. On s’approvisionne uniquement en circuits courts excepté pour la vanille, les épices et le café. On est toujours preneurs de choses à mettre en œuvre pour faire évoluer la cause éco responsable. 

 

Un conseil pour un chef qui voudrait ouvrir son restaurant ? 

Avant l'ouverture, c'est beaucoup de joie, de bonheur et de sueur, il ne faut pas trop se poser de questions. Quand on le sent, il faut y aller !

De façon générale, je dirai qu’il faut croire en ses projets. L’ouverture d’un restaurant est un moment jouissif mais tout peut vite basculer de l’autre côté.

Il faut rester concentré sur ses objectifs et ne pas remettre trop en question son projet de base. Même si au début le restaurant est vide, il faut continuer à croire en son projet et ne pas se fier à ce qu’on entend autour de nous. Aussi, je pense qu’il est très important d’être à l’écoute des retours de ses clients, ils ont un rôle essentiel. Si on ne les écoute pas, tout peut capoter. Notre expérience est la preuve qu’en s’accrochant et en croyant à ses rêves, les efforts sont récompensés un jour ou l’autre. 

Comment avez-vous constitué votre équipe ? Quelles sont les clés pour former & souder une équipe ? 

Il est très important pour nous de proposer un confort de travail, que ce soit dans l’attitude au quotidien comme dans les horaires de travail. Chez Sens, on s’est adaptés : l’équipe de cuisine a deux jours et demi de repos par semaine et l’équipe en salle a trois jours de repos par semaine dont deux consécutifs. On est fermés tout le mois d'août, une semaine pour noël et on commence à 9h30 le matin ce qui est relativement tard mais c’est un choix. Je me suis fait mal pendant beaucoup d’années et je ne veux pas faire subir ça à mes employés. On a eu du mal à trouver du personnel stable car on n’avait pas les moyens d’assurer de bons salaires à tout le monde alors on s'est dit qu’il fallait proposer des salaires plus élevés pour nous permettre de stabiliser nos équipes. Je dois être le chef le moins payé de France (rires) mais on a une équipe stable et le restaurant tourne bien, c’est le plus important.  

 

Quel est le plus gros risque que vous ayez pris au sein de votre restaurant ?

L’avant-veille du confinement, on a dû annuler notre premier service à quinze minutes du coup d’envoi alors que la salle était pleine. J’ai eu un accident à cause d’une malfaçon  en cuisine, je me suis fait électrocuter et j’ai failli passer de l’autre côté. Le lendemain, la salle était à moitié remplie et on a appris qu’à minuit la France était reconfinée pour huit mois. Ça a été un moment très difficile. Au bout de quelques mois de vente à emporter, on ne parvenait plus à faire d’achats et on devait rembourser notre crédit à la banque donc on a dû fermer le restaurant pendant trois mois. On a cru qu’on ne rouvrirait jamais. On a appelé les médias et mis en place une cagnotte, un cri du cœur qui nous a permis de reprendre la vente à emporter et de nous stabiliser jusqu’à l’ouverture. 

 

Pour en savoir plus sur Alexandre Bru : 

Dans ce bistrot contemporain, le chef lauréat du Prix du Public aux TheFork Awards 2022, Alexandre Bru et son épouse Loren Bru (à la pâtisserie) ont pour but de faire ressentir à leur convives tout ce que la gastronomie procure à travers la stimulation de nos sens. Véritable voyage culinaire, “Sens” allie modernité et tradition dans un menu du soir logiquement appelé “Éveil des sens” décomposé en six étapes. Coup de coeur pour les framboises, blanc vaporeux citron vert, caramel à la verveine et crème anglaise au thé Earl Grey.

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